Témoignages

Liste d’ouvrages parlant du sujet des violences sexuelles, télécharger


Reconstruction…

Le pire avec les attouchements ou le viol, c’est la dissociation…
Tu te sépares de ton corps car ton corps ne t’appartient plus…
Normal ! Qui voudrait habiter dans une maison ravagée
par une tempête, aux odeurs pourrissantes et jonchée de détritus ?
Personne…
Alors il faut du courage, oui, un vrai et un immense courage
haut comme une montagne qui sera gravie pour tout nettoyer,
tout réparer, tout ranger…

Le premier pas, c’est d’abord d’oser regarder…
Si tu en as la possibilité… car parfois tu te seras enfui tellement loin
de ta maison que tu ne te souviendras même plus qu’avant, oui avant,
il y a bien longtemps, tu en avais une de Maison…
Vous vous souvenez vous ? De vos mauvaises expériences ?
Nooon, la mémoire a cela de fabuleux qu’elle sélectionne…
Alors bien sûr, la plupart du temps et alors que tu crois que tout va bien
dans ta vie… tu ripes, tu bugues, tu trébuches voir même, un soir,
tu tombes dans un vide sidéral blanc et inodore, gluant et étouffant…
pour un temps long temps
très long temps…

Mais le pire, oui le pire, c’est que tu ne comprends pas pourquoi,
oui pourquoi tu as de drôles de réactions incontrôlables
que personne ne comprend et surtout pas toi… ?
Pourquoi tu t’arrêtes dans la rue sans plus pouvoir marcher ?
Pourquoi tu as l’impression d’étouffer, de suffoquer à tout bout de champ
alors qu’il fait si beau dehors et que ce garçon t’a regardé d’un drôle d’air ?
Qu’est ce qui se passe ?
Et pourquoi tu pleures tout le temps et surtout sans raison ?
Oui pourquoi ?
C’est vrai ça, pourquoi tu pleures ?
Tu penses peut-être que c’est avec tes larmes que tu vas tout nettoyer ?
Et au fait, pourquoi tu ne mets jamais de décolleté ?
Et surtout, pourquoi tu mets deux culottes l’une sur l’autre ?
C’est quand même bizarre ça, non ? Étrange même…
Bien sûr, je ne te demanderai pas pourquoi
tu as regardé les rails d’un peu trop près… ?
Ni pourquoi tu as tout le temps mal dans ton corps
qui pourtant ne t’appartient plus… ?

« Non, noon, noooon » je te dirais juste « que, peut-être,
tu es un petit peu fofolle, que tu es trop sensible, voire spéciale… »
mais c’est tout…
Tu es partie tellement loin de ta maison…

Ici, le monde est étranger, le langage n’est plus le même,
les traditions sont différentes et c’est à toi de t’adapter…
t’adapter aux autres, tu m’entends ?
Et surtout, surtout… dire que : Tout va bien !
Tu entends ? TOUT VA BIEN !
Pourquoi embêter le monde avec tes histoires,
ça ne regarde personne,
pas même ta famille…
« Tais-toi tu vas faire du mal… » « mais tu veux te taire oui ?
Tu ne vois pas que tu nous déranges ?
Alors Tais-toi ! Tais-toi !! »

Mais si un jour des flashs de bleu te reviennent en mémoire…
…si un jour tu te rends compte que tu détestes les grognements à ton oreille…
…si un jour tu te retrouves sur le carrelage de ta cuisine en criant et hurlant
et pleurant… « Je ne veux pas… nooon » « Laisse-moi… laisse-moi… »
Le corps fracassé de douleurs si vives que tu te demandes
comment une telle lacération intérieure puisse exister…

Oui …Si un jour… tu te souviens…

Alors…

Alors il te faudra du courage…
Le courage de t’accueillir
Le courage de te regarder
Le courage de te souvenir de tout
Le courage de te panser
Le courage de te faire aider
Pour un jour peut être avoir le courage de t’aimer…
Ce courage, il viendra naturellement, crois-moi…

Mais je saute les étapes…

Tu auras d’abord de la colère !
Une immense colère,

UNE ENORMISSIME ET PUISSANTE COLERE,

Une colère ravageuse, destructrice qui te fera peur
et te mettra peut-être en danger mais si tu apprends à la maîtriser,
à l’enchanter, alors elle deviendra ton amie,
une colère qui nettoie, une colère qui décide,
une colère qui brule ce qui a besoin d’être brulé,
apaise ce qui a besoin d’être apaisé,
répare ce qui a besoin d’être réparé…
L’énergie de vie petit à petit reviendra dans ton corps,
tes jambes se remettront à te porter et tu avanceras…

Ta maison était jolie avant non ?

D’abord tu erreras dans les chemins de ta mémoire,
tu iras de droite et de gauche mais tu avanceras.

De questionnements en lectures, de médecins en confidences,
de stages en thérapeutes…
le chemin sera long, des mois, des années peut être…
mais tu avanceras…

Et un jour, tu la regarderas en face cette maison,
Ta Maison…
Bien sûr elle est lézardée… les fondations ont été secouées,
le toit n’est même presque plus là… et tu comprendras…
ben oui : « Comment faire des projets et avancer dans la vie s
i tu n’as même pas de quoi te loger ? »

Alors tu riras… riras…

Tu ris… d’un rire si fort et si puissant
qu’il finit par faire tomber la dernière tuile qui ne tenait plus à rien…

INSPIRATION
RESPIRATION
LIBERATION

Dans le jardin, il y a plein de broussailles, de mauvaises herbes…
qu’importe…
Le chêne est toujours là… puissant et rassurant comme jamais…
Mère nature….
La vie et son énergie…
Laisse-toi traverser… à nouveau… ouvres tes portes,
fais chanter tes cellules…

Peut-être même qu’un jour…
tu auras envie de la décorer ta maison…

Nathalie – Esther, 2017
Pour toutes celles et ceux qui en ont besoin….
Avec toute ma compassion


Emprise familiale

Parfois, Je la retrouve dans mes rêves.
Elle est là.
M’attend.
Accueillante.
Bienveillante.
Le sourire au bord des lèvres.
La peau tannée par le soleil.
C’est le souvenir que j’en garde.
Les rides en grand nombre d’une vie passée en mon absence,
comme des cicatrices que j’aurais laissées de l’avoir abandonnée.
Trahis. C’est ce qu’Elle me fait croire.
Tandis que tout s’est détruit entre nous,
l’eau de l’amère révélation emportant tout sur son passage,
Elle me tend les bras.
M’enlace à nouveau.
Cela fait si longtemps que je ne l’ai pas côtoyée.
Des années.
J’ai rompu tous les liens qui me retenaient à Elle.
En vain. Il a suffit d’un regard, pour réactiver en moi les souvenirs heureux.
Comme si l’eau effaçait les mauvais souvenirs. Même les plus toxiques.
À moins que la peur infantile n’ait été réactivée au premier regard.
Qui sait ?
Pourtant, j’ai dû me battre fermement pour me dégager du bord de son gouffre.
Je mourais d’Elle sans m’en apercevoir.
L’aimant aveuglément, mon attirance maladive, pour Elle, m’emprisonnait.
La protégeant jusqu’aux mensonges. Jusqu’à l’absurde.
Dans le déni de l’impact qu’Elle avait eu sur ma vie.
L’Amazone frappant le premier qui osait dire le malaise qu’il ressentait à son contact,
d’un mot assassin, c’était moi.
Je pouvais me transformer en guêpe, en cobra, ivre de colère
pour protéger ce qu’il n’aurait pas fallu dissimuler, mais dénoncer.
Victime de ses tourments cachés, j’étais la garante du silence qui la protège.
D’aucun appellerait cela l’omerta.

Il m’a suffit d’une fois. Une fois pour regarder son paysage d’un ailleurs
qui m’a fait prendre conscience de la désolation des illusions qui y régnait.
J’ai bien tenté de parler à l’autre victime protectrice des actes de barbarie incestueuse
commise dans le silence nocturne.
Car je n’étais pas la seule à vivre ce cauchemar de l’ombre sous anesthésie.
Alors, pour garder sa cohésion, par peur d’un avenir à vivre sans pouvoir le contrôler,
Elle a largué les amarres qui me retenaient à son port sordide.
Se mentant à Elle-même pour protéger les violeurs et la façade de cette cellule si enviée
par nos pairs. Désespérant.
Rejetée par Elle, bannie, j’ai erré dans le désert de l’abandon, me sentant arrachée,
décollée, déracinée d’avoir parlé en Vérité.
Je goûtais les affres de la double peine, celle des victimes.

Elle, c’était ma famille.

Je ne peux que la côtoyer sans danger dans mes rêves, désormais.
Il m’a fallu lâcher prise, aidée par une armée d’amis, de médecins, de psychologues,
pour quitter les bords dangereux de son Emprise, et goûter au plaisir délicieux d’une vie
où désormais… tout est possible. Le meilleur restant l’avenir à écrire sans eux.
Car je le sais… je suis lucide.
L’emprise familiale est une colle gluante qui aimante au premier regard.
Je ne dois plus la revoir.
C’est le prix à payer pour vivre libre sans emprise.


18 + 20

18 ans + 20 ans = 38 ans…
18 + 20 = Délai de prescription
Game over.
Trop tard.
Vous avez perdu une vie. Ou la moitié.
Sans espoir de réparation judiciaire.
La réparation, passé ce délai, on ne peut l’acquérir qu’en travaillant sur soi. Dans un cabinet de psy.
Combien de victimes se réveillent trop tard de leur long sommeil destructeur ?
Combien de victimes sortent des limbes de leur inconscient, les violences qu’elles ont subies après leur trente-huitième année ?
Combien de prédateurs chassent encore et encore dans nos rues, dans nos écoles, parce que leurs premières victimes n’ont plus possibilité d’obtenir réparation devant un tribunal ?
Triste constat.
Jouer dans la cours judiciaire n’est en rien ma cour de récréation. Ni ma cour de réparation.
Mais si j’avais eu le choix ?
En aurai-je pris le chemin ?
Je me suis réveillée à quarante ans. 38 + 2 ans… trop tard.
Je n’avais pas conscience qu’en tant que victime, j’avais une date de péremption. Trente huit ans moins une journée.

Que faisais-je le 2 septembre 2009 ? Si mes souvenirs sont bons, je me noyais dans le travail, je grossissais à vue d’œil, mon corps partait en cacahuète, j’étais remplie de colère contre moi-même, j’étais angoissée pour tout et rien et j’avais enfoui l’os de l’inceste au fond de mon jardin.
La justice de ce pays ne s’accorde pas avec la crise de la quarantaine.
Je ne regrette en rien la façon dont j’ai mené mon combat pour me sortir de ce guêpier.
Toutefois, j’admire les victimes de violence qui osent emprunter ce chemin là. Faire face à son bourreau dans une cour de justice… Quel courage.
Que ce dernier porte sa honte et sa culpabilité devant le peuple, entre une robe noire d’avocat et le regard d’un juge.
C’est l’une des seules façons de stopper la nuisance dont il est capable.
Seule la justice peut faire en sorte que les prédateurs ne commettent plus d’outrages sur d’autres enfants, d’autres bébés, femmes, hommes.
Toute la population est touchée par ce fléau.
Les cons, ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît, disait Audiard…
Les cons… les manipulateurs. Les pervers. Ça ose tout ! …et si en plus, ils peuvent agir impunément… passé le délai de 18+20 ans. C’est mettre la justice du coté des agresseurs et anéantir la parole des agressés.Proroger sans délai de prescription les crimes sexuels.
Voilà une arme aiguisée comme une épée de Damoclès à poser sur la tête des agresseurs sexuels.
Voilà le poids qui fera pencher la balance de Dame Justice, non plus du côté des bourreaux mais du côté des victimes.Justice doit être rendue. Sans délai de prescription.
38 ans et un jour… Un bel âge pour revivre.


Olivier Demacon
Témoin